Un jour, un client m’a demandé une façon simple et percutante de présenter les résultats d’un questionnaire de satisfaction. Je lui ai proposé un outil que je trouve particulièrement utile dans ce genre de situation : la matrice Importance-Performance ou IPA.
1. Un outil simple pour valoriser les retours clients#
1.1. Un outil d’analyse pragmatique#
Développée à la fin des années 70 par Martilla et James, l’analyse Importance-Performance est une méthode d’analyse qui permet d’identifier les points forts et les axes d’amélioration d’un service, en croisant deux dimensions :
- l’importance accordée par les clients à différents critères,
- leur niveau de satisfaction sur ces mêmes critères.
L’outil est extrèmement simple, facile à mettre en place et facile à interpréter. Il offre une visualisation claire des priorités d’action. Les résultats sont généralement présentés sous forme de matrice à quatre quadrants, comme ci-dessous :
1.2. Exemple concret : une entreprise de fournitures de laboratoire#
Pour illustrer tout ça, je m’appuie sur un cas présenté par Ferreira et Fernandes (2015), où ils évaluent les Facteurs Clés de Succès (FCS) d’une entreprise du secteur. Pour chaque critère, les clients interrogés donnent deux types de réponses :
- leur niveau d’importance,
- leur niveau de satisfaction.
Analyse des FCS - Ferreira et Fernandes (2015)#
Les valeurs moyennes sont ensuite projetées sur la matrice IPA, avec une séparation selon les médianes pour identifier les zones prioritaires :
Analyse des quadrants pour les FCS - Ferreira et Fernandes (2015)#
Ce genre de visualisation permet de voir d’un coup d’œil où concentrer les efforts. Mais attention, selon la méthode choisie pour construire les axes, certaines limites peuvent apparaître… Voyons justement les principales approches.
2. Comment construire la matrice IPA ?#
2.1. Méthode déclarative#
C’est la plus directe : on demande aux répondants d’évaluer à la fois l’importance et la satisfaction pour chaque critère. Les moyennes de ces réponses donnent les coordonnées à placer dans la matrice.
Avantages | Limites |
---|---|
Simple à mettre en œuvre | Le questionnaire peut devenir long et décourager certaines personnes |
Il y a un risque de rationalisation : les réponses peuvent être biaisées par la formulation directe des questions, surtout pour des critères subjectifs comme l’ambiance ou la propreté. |
2.2 Méthode de régression multiple#
Une autre approche consiste à modéliser la satisfaction globale \(y\) à partir de plusieurs critères \((x_1, x_2, …, x_k\)), via une équation de type :
$$y = \beta_0 + \beta_1x1 + \beta_2x_2 + \dots + \beta_kx_k + u$$
Les coefficients \(\beta\) indiquent ici l’impact de chaque critère sur la satisfaction globale, ce qui peut aider à hiérarchiser les priorités.
À garder en tête :
- Les coefficients négatifs peuvent être difficiles à interpréter.
- Gare à la multicolinéarité : si les variables sont corrélées entre elles, les résultats peuvent être faussés.
Il est donc essentiel de vérifier les hypothèses de la régression linéaire multiple (résidus, \(R^2\), etc.).
2.3. La méthode Satimix#
Développée par Grimmer et Le Goupil, cette méthode repose sur un modèle multi-attributs, avec une condition importante : il faut que le questionnaire contienne une question de satisfaction globale, et que tous les critères soient notés sur la même échelle.
L’idée ici est de mesurer l’effort nécessaire pour faire progresser la satisfaction sur chaque critère, en les classant en trois niveaux (faible, moyen, élevé). On utilise ensuite une analyse des correspondances (AC) pour projeter les données et calculer l’importance relative de chaque facteur, notamment via la distance du chi-deux.
Voici les étapes de calcul :
- Préparation d’un tableau de contingence avec 3 modalités de satisfaction globale en colonnes, et 3 lignes par critère de satisfaction partielle.
- Application d’une Analyse des Correspondances (AC) sur ce tableau pour projeter les critères de satisfaction détaillés sur le même axe.
- L’évaluation de l’importance des facteurs est calculée via la distance du chi-deux (préférée au coefficient de corrélation) pour mesurer le poids nécessaire pour passer d’un niveau à un autre.
2.4. La méthode Tétraclass (matrice de Llosa)#
Cette approche, développée par Llosa, repose sur un principe simple mais puissant : tous les critères ne contribuent pas de la même manière à la satisfaction… ni à l’insatisfaction.
Quelques exemples :
- Un petit cadeau surprise peut créer une forte satisfaction, mais son absence n’est pas forcément vécue comme une déception.
- À l’inverse, une gêne physique (obstacle dans une allée) génère de l’insatisfaction, mais son absence ne suscite pas spécialement d’enthousiasme.
Les étapes clés :
- Étape qualitative pour identifier les éléments susceptibles de contribuer à la satisfaction globale (discussions, spécialistes, expérience ex ante, etc.).
- Collecte de données, avec un questionnaire prenant en compte :
- Mode de collecte (téléphone, email, etc.),
- Définition de la population cible,
- Échelle d’évaluation,
- Formulation affirmative des questions.
- Construction d’un indice de satisfaction via la combinaison linéaire des indices de satisfaction générale.
- Calcul de la contribution des éléments à la satisfaction, avec deux indices de contribution (positif et négatif) pour chaque élément. Cela passe par la création d’un tableau de contingence, suivi d’une Analyse des Correspondances (AC).
- Catégorisation des éléments : un « repliement » est effectué pour créer une « carte factorielle », avec des éléments classés selon leurs contributions positives et négatives à la satisfaction et à l’insatisfaction.
Conclusion#
L’IPA est un excellent point de départ pour mieux comprendre les attentes des clients et prioriser les actions d’amélioration. Il existe plusieurs méthodes pour construire cette matrice, chacune avec ses avantages et limites. Le choix dépendra souvent du contexte, du volume de données et du type de questionnaire utilisé.
Personnellement, j’apprécie cet outil pour sa capacité à rendre lisibles des retours parfois très disparates, et à en tirer des enseignements directement actionnables.
Références#
Lectures introductives :
Références scientifiques :
- Martilla J and James JC (1977), Importance-performance analysis, Journal of Marketing 41(1) : 77-79.
- Camelis, C., Llosa, S. & Maunier, C. (2015). Gestion de la satisfaction et de l’insatisfaction des touristes : les apports du modèle Tétraclasse. Management & Avenir, 77, 137-162. https://doi.org/10.3917/mav.077.0137
- Llosa S. (1997), L’analyse de la contribution des éléments du service à la satisfaction : Un modèle tétraclasse, Décisions Marketing, No. 10 (Janv.-Avr. 1997) : 81-88.
Cas d’usage :